DOSSIER SÉCURITÉ SUITE / La parole à ceux qui sont sur le terrain

Bernard Leclerc est président de la section de Metz de la Ligue des droits de l’Homme. Nous lui donnons la parole.

Depuis plusieurs mois, la loi Sécurité globale est fortement contestée, que lui reprochez-vous ?

En juillet 2020, le premier ministre, Jean Castex, lance l’ »expérimentation de l’extension des compétences pour les polices municipales » à Nice, à la demande du maire, Christian Estrosi. La proposition de loi Sécurité globale vise à entériner dans la loi, à l’échelle nationale, ces nouvelles compétences.

Or, cette loi s’inscrit dans une continuité pernicieuse et dangereuse pour nos libertés : nous passons d’un état d’urgence à un autre, et les décisions prises pour répondre à cet état d’urgence désormais continu le banalisent. Il devient la normalité. Cette proposition de loi vient renforcer ce phénomène. Surveillance et contrôle avec des moyens numériques, des logiciels de traçage, de reconnaissance et d’identification : c’est le projet énoncé dans le Livre blanc de la sécurité intérieure (novembre 2020).

Quelle différence entre la police nationale et la police municipale ?

La police nationale est sous le contrôle du judiciaire. La police municipale est sous le contrôle du maire. C’est une différence fondamentale. La police municipale est surtout l’expression d’un choix politique, qui ne dépend pas nécessairement du niveau de délinquance constaté localement, et l’on peut craindre des contrôles disproportionnés et pas forcément efficaces, mais dont la finalité sera de mettre l’ensemble de la population de la commune concernée sous surveillance. Les polices municipales ne sont pas et ne peuvent pas être indépendantes des politiques municipales.

Comment rapprocher la police des citoyens ?

Le fossé qui s’est creusé entre la police et la population est le fruit de la perte de confiance liée aux politiques suivies, au rôle assigné aux forces de l’ordre et à la négation des réalités par le pouvoir politique : « il n’y a pas de violences policières », « le racisme dans la police ce n’est pas un problème de la police, mais de quelques individus », etc. Interdire de démentir cette parole en empêchant de filmer la police ne contribue pas à rétablir la confiance…

La défiance du pouvoir envers les citoyens a généré une défiance réciproque. Les réponses sécuritaires ne contribuent pas à apaiser les tensions, au contraire. Aujourd’hui, les opérations de maintien de l’ordre ne sont plus considérées, ni d’un côté ni de l’autre, comme destinées à la protection des manifestants et à la chasse des seuls perturbateurs, mais comme la réaction d’un État aux abois, cherchant à réduire un adversaire politique. La police (ou la gendarmerie) devient le bras armé de l’État.

Il faut renverser la vapeur et redonner son sens originel à l’action des forces de sécurité. La police doit agir de façon à être perçue comme un service dévoué à la protection de TOUS les citoyens. C’est une urgence et les fonctionnaires de police y gagneront en considération. Conscients des contraintes de la profession, nous appelons à sortir des réflexes purement corporatistes et à ouvrir un dialogue sur les objectifs, les moyens et les méthodes des forces de l’ordre. L’institution judiciaire, tout aussi malmenée, a toute sa place dans ce dialogue nécessaire pour retisser des liens de confiance entre police et population.

Pour contacter la LDH : http://site.ldh-france.org/metz

Ce dossier est extrait de notre journal L’Avis en rouge n°2 de février-mars 2021, à retrouver dans son intégralité sur la page Kiosque de ce site.

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